Situé au cœur de la Sarthe, le Petit Béru est l’un des rares manoir médiéval ayant traversé les siècles sans transformation majeure. Construit à la fin du XVe siècle, il conserve une enceinte fossoyée, des tours d’angle et pigeonniers, ainsi qu'un logis de pierre au plan presque intact. Sobre, défensif, aux proportions équilibrées, il est typique de l'architecture de transition entre le Moyen Âge et la Renaissance. L’ensemble est niché à mi-coteau d'un vallon préservé, constituant un site naturel classé dont les contours contribuent au charme du lieu.
Ouvert régulièrement au public, le Petit Béru participe à la vie culturelle locale, accueillant tournages de film et visites guidées. Un partenariat avec l'office du tourisme de Sablé et les journées du patrimoine contribuent à la mise en valeur de l’histoire et du riche patrimoine de la Sarthe.
Depuis 2018, nous avons entrepris en famille un chantier de sauvegarde de grande ampleur. Bien que classé Monument Historique depuis 1976, le manoir montre aujourd’hui des signes de fatigue : la toiture en ardoise doit être reprise, certaines maçonneries se fissurent, et les dépendances se dégradent. La restauration des deux tourelles arrières, tronquées au XVIIe siècle faute d'entretien, figure parmi les travaux prioritaires. Leur restitution vise à la fois à consolider l’édifice et à rétablir la silhouette défensive et harmomieuse que le manoir présentait à la fin du Moyen Âge.
Vue de la facade arrière et ses deux tourelles tronquées
Des indices d'occupation humaine antérieure à l'édification du manoir ont été retrouvés lors de fouilles archéologiques dans les années 70. L'implantation du domaine au creux d’un vallon traversé par le ruisseau des Rigaudières, correspond à une logique d’occupation antique. Le toponyme "Béru" pourrait dériver du latin Beria, signifiant « plaine ». Des observations de terrain, complétées par des analyses topographiques, suggèrent la présence d’une enceinte primitive, peut-être d’époque gallo-romaine.
Dès le haut Moyen Âge, le site est structuré autour d’une motte féodale. Des traces visibles en vue aérienne laissent penser à une première enceinte fortifiée. Au XIIIe siècle, la terre de Béru (alors appelée Besrou) est mentionnée dans les chartes : elle relève de la châtellerie de Vallon et regroupe plusieurs fiefs secondaires.
C’est entre 1480 et 1490 que le logis actuel est bâti, dans un contexte de reconstruction après la guerre de Cent Ans. L'architecture de l'édifice correspond parfaitement à celle de l'époque de transition entre la fin du Moyen Âge et les débuts de la Renaissance : une tour d’escalier en façade, des baies à meneaux, une organisation rigoureuse des espaces entre cour, logis et communs. Sobre mais solide, le manoir symbolise les choix des seigneurs de Béru, désireux d’ancrer leur autorité sans ostentation dans le paysage rural.
Proche d’autres sièges seigneuriaux de première importance, Béru a été au cours du temps délaissé à la faveur d’autres sites. Vendu et hérité de nombreuses fois à travers le XVIe siècle, le bien se transmet principalement par les femmes.
En 1594, l’autorisation de fortifier le site est officiellement accordée à Jehanne Guillart. Une enceinte fossoyée est alors construite, flanquée de tours d’angle, témoignant d’une époque marquée par les guerres de religion. La famille Guillart, de religion protestante, dote sa demeure de dispositifs militaires pour assurer sa sécurité. Ces fortifications ont traversé les siècles avec peu de remaniements, ce qui en fait aujourd’hui un témoignage rare de cette époque.
LEDRU (abbé), vue du manoir depuis le nord-est, 1897
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le manoir perd peu à peu son rôle de résidence seigneuriale et devient une exploitation agricole. Les tourelles arrière sont tronquées au XVIIe siècle pour caue de ruine des charpentes, et certains bâtiments sont réaffectés ou laissés à l’abandon. Cette affectation agricole a évité les remaniements au cours du temps, et préservé les éléments typiques intérieurs et extérieurs de l'architecture d'origine.
C’est dans les années 1970 que Henri Foucard, un passionné de vieilles pierres, redécouvre la valeur patrimoniale du site. L’état de l’édifice est alors préoccupant : toiture affaissée, murs lézardés, éléments sculptés très dégradés. En 1974 il acquière le manoir et entreprend un vaste chantier de sauvetage. Grâce à son incroyable investissement, plusieurs éléments majeurs sont restaurés : les toitures sont consolidées, certaines tours retrouvent leur silhouette, les cheminées restaurées. Cette dynamique de restauration aboutit à un double classement en 1976 : les façades, les charpentes, les deux cheminées et l’escalier intérieur du logis sont classés Monument Historique, les communs sont inscrits à l’inventaire.
Etat du manoir lors du classement de 1976
Pendant les décennies suivantes les différentes propriétaires se relaient pour poursuivre des campagnes de restaurations et d'embellissement. Fin des années 90, les baies qui retrouvent leurs meneaux et traverses, une allée de platane est plantée et le jardin d'honneur dessiné. L'enceinte Est en état de ruine est remontée au début des années 2000.
Etat des murs de soutènement de la terrasse avant restauration en janvier 2005
Etat après restauration en février 2006
En 2018, le Petit Béru entre dans notre famille. Portés par l’histoire du lieu, nous avons souhaité prolonger le travail des propriétaires précédents avec une nouvelle phase de restaurations. Notre démarche s'inscrit dans la continuité des efforts engagés depuis un demi-siècle, en consolidant les structures les plus fragiles et restituant les volumes perdus, notamment ceux des tourelles arrières. La finalité est de rendre au manoir la cohérence architecturale qu’il avait à la fin du Moyen Âge. Il s'agit donc d'un travail de sauvegarde long et progressif, pour rester fidèle à celui entrepris depuis soixante ans.
Le manoir du Petit Béru impressionne par son authenticité et sa silhouette préservée, cependant il reste aujourd’hui un bâtiment fragile. Certains éléments majeurs montrent des signes de faiblesse structurelle et exigent des interventions de sauvegarde urgentes.
La toiture du logis principal, en ardoise, n’a pas été reprise depuis plus d'un siècle. De nombreuses ardoises sont dégradées, les charpentes ont souffert de l’humidité, et des infiltrations menacent les intérieurs restaurés. Sans intervention rapide, des dégradations structurelles plus importantes sont à redouter.
Les maçonneries des tours montrent elles aussi des signes d'usure, notamment aux points d’angle et au niveau des ouvertures. Plusieurs dégâts fragilisent l’homogénéité de l’édifice et sa stabilité.
Les bâtiments des communs, qui bordent la cour d’honneur, présentent eux aussi des signes de fragilité. Les toitures de dépendances, en terre cuite artisanale, n’ont pas bénéficié d’un entretien régulier et montrent un état de dégradation avancé : affaissements localisés, tuiles manquantes, infiltrations récurrentes. Ces désordres affaiblissent les charpentes d’origine et compromettent la stabilité des bâtiments.
Enfin, les deux tourelles arrières, tronquées au XVIIe siècle, méritent d'être restituées. Les toitures tronquées déséquilibrent la silhouette du manoir et prive l’ensemble d’une part essentielle de sa lecture historique. Les toitures tronquées disgracieuses et incohérentes accélèrent l’érosion des menuiseries et des pierres environnantes. Le remontage des tourelles constituerait à la fois un geste esthétique et une intervention profondément structurante, stoppant les infiltrations et permettant de retrouver l’harmonie du plan d’origine.
Les couvertures du logis principal sont aujourd’hui vétustes. Le versant Est est en très mauvais état, et l'autre nécessite aussi rénovation. Une réfection complète est indispensable à court terme pour préserver l’intégrité de l’ensemble.
Le projet de restauration prévoit la repose d’ardoises au clou cuivre, pour garantir à la fois une excellente tenue dans le temps et une cohérence architecturale avec les matériaux d’origine. Les égouts seront réalisés en ardoise, les noues des lucarnes seront rondes, et les faîtages seront refaits en plomb, conformément aux descriptions d’époque. Des passes-barres en plomb assureront la ventilation de la couverture, tandis que les châssis de toit seront remplacés par des éléments neufs, discrets et adaptés à la pente des versants. Les solins seront également repris au droit des souches de cheminées.
2. Reconstruction des tourelles arrière
Tronquées au XVIIe siècle, les deux tourelles Est du logis laissent aujourd’hui les élévations et fondations exposées aux intempéries. Leur absence favorise les infiltrations d’eau et accélère la dégradation des maçonneries basses.
Leur reconstruction cherche donc à restaurer l’équilibre visuel du manoir, ainsi qu’assurer la protection durable des parties les plus vulnérables du bâti. Les nouvelles structures seront rebâties sur les bases existantes, en pierre locale, avec couverture conique en ardoise et détails architecturaux restitués à l’identique.
Cette intervention permettra au manoir de retrouver sa silhouette d’origine, tout en renforçant sa stabilité à long terme.
3. Consolidation des maçonneries
Plusieurs pans de mur montrent des désordres structurels : fissures, pertes de matériau, mortiers dégradés. Certaines élévations sont localement jointoyées inesthétiquement au mortier hydraulique ou au ciment. Des interventions ciblées permettront de stabiliser et protéger les murs.
4. Réfection des toitures des communs
Les dépendances bordant la cour d’honneur présentent des couvertures vieillissantes en tuiles. Une reprise complète est donc nécessaire, dont la reprise de certaines charpentes et la consolidation des murs porteurs affaiblis. Un réseau de drainage périphérique, discret et adapté au site classé, devra également être mis en œuvre pour limiter les remontées capillaires et préserver les maçonneries basses.
Au-delà de sa valeur patrimoniale, le Petit Béru s’inscrit pleinement dans le paysage culturel de la Sarthe. Par son authenticité et son environnement préservé dans un site classé, il attire aujourd’hui l’attention bien au-delà du cercle des amateurs d’architecture.
Le manoir est ponctuellement ouvert aux visites : partenariat avec l’office du tourisme de Sablé, point de passage de la randonnée des "vielles demeures". En 2025, il a servi gracieusement de décor à un court métrage amateur d'une étudiante en cinéma d'Angers. L'ouverture du manoir au public et notre investissement dans des projets culturels permettent de tisser des liens avec ceux qui le découvrent et contribuent à témoigner du riche passé historique et patrimonial sarthois.
Lieu-dit Le Petit Béru, 72540 Vallon sur Gée, France